La double clique

Studio de création - Mulhouse

L’antagonisme jalonne l’ensemble de la production de La double clique qui oscille entre graphisme et design d’objet, technologie et tradition, industrie et artisanat. Une subtile mixité d’approches et techniques confluent dans le travail des deux protagonistes, Thomas Roger et Trystan Zigmann. Leur multi-disciplinarité, leur inspiration et leur technique créent un syncrétisme poétique et intriguant.

Leur regard est tourné vers le passé, vers la tradition, vers la ré-interprétation de formes et techniques des siècles et millénaires précédents tandis que leurs mains manipulent l’avenir via des équipements et des méthodes à la pointe des préoccupations actuelles. Leur technique de production, associant matériau contemporain, technologie récente et artisanat, joue des effets de trompe l’œil dans le rendu final entre interventions laissées apparentes et matière ambiguë. Suscitant la curiosité, le résultat repose dans un entre deux. Les incessantes recherches et expérimentations du studio mènent à des objets non identifiés planant aux confluents du passé et de l’avenir.

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Qui se cache derrière La double clique et comment ce studio est-il né ?

On a monté le studio à deux. On s’est rencontré à l’école. Trystan étudiait le graphisme et Thomas le design. Notre collaboration a commencé à l’école. On trouvait ça intéressant de mêler le graphisme et le design d’objet à travers le 3D. Pour le graphisme on va faire des rendus 3D. Pour les objets, on va travailler en 3D, via par exemple l’impression 3D. A chaque fois, c’est un travail d’échange en fonction des projets. On peut tous deux être amené à dessiner des objets ou à en créer… Et le nom de notre studio fait référence aux doubles cliques de l’ordinateur et à notre duo.

Y a-t-il un fil rouge qui couvre votre travail ? Comment définiriez-vous la production de La double clique ?

On essaie de plus en plus de s’intéresser aux traditions et aux signes culturels en les réinterprétant avec les nouvelles techniques de production que ce soit l’impression 3D, le graphisme ou d’autres technologies. On réinterprète les formes traditionnelles pour les objets ou les signes. L’idée est de créer un langage sensible avec des méthodes technologiques, voire industrielles. Nos inspirations sont assez variées en fonction des projets. 

Par exemple, on a développé une collection qui s’appelle Armure pour une exposition dans le sud de la France. On s’est plutôt intéressé aux vases et amphores gréco-romaines antiques en se focalisant sur cette période et sur la façon dont étaient assemblés ces objets. C’était donc lié à cette exposition et au lieu.

Avez-vous opté pour une approche spécifique pour le projet Avenue du Roi ? Avez-vous adapté votre travail aux spécificités du lieu ?

Pour Avenue du roi, l’idée de tradition est beaucoup plus large. L’idée est de parler des curiosités en faisant référence au cabinet de curiosités et aux mirabilia qui est aussi le nom de la collection. Ce sont des merveilles, des objets naturels ou artificiels que les gens collectionnaient autrefois dans les cabinets de curiosité. Il pouvait, par exemple, s’agir d’un morceau de corail, d’un bol et d’autres objets qui étaient exposés et montrés. Pour le projet Avenue du roi, on a conçu les objets à partir du motif de la roche en y ajoutant des formes abstraites et géométriques.

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Découvrez leurs oeuvres

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Quelles pièces présentez-vous pour Avenue du Roi ?

On a fait deux vases, deux coupelles, une urne funéraire. On trouvait que c’était un objet assez symbolique qui avait du sens par rapport à la matière utilisée et au lieu. Et on a aussi fait une tirelire. On trouvait assez rigolo pour un lieu d’habitat dont le nom comporte le terme « roi » de proposer une tirelire. On ne voulait pas que proposer des vases, ce pourquoi on propose autre chose. On est aussi curieux de voir comment le public sera intéressé par des objets assez sculpturaux mais qui ont une fonction spécifique. On a aussi refait des carafes et un arrosoir. Pour ceux-ci, on est dans une collection plus classique de notre production.

Pouvez-vous en dire plus sur votre technique de production ?

On a développé une technique d’impression 3D. Chaque partie de l’objet est imprimée séparément. On imprime d’abord des moules hydrosolubles en 3D, qui peuvent fondre dans l’eau au bout d’un jour. On coule dedans de la jesmonite, une résine acrylique non toxique, en y mélangeant de la poudre naturelle venant de briques, de pigments naturels, de la terre, etc. Ça nous permet d’avoir des couleurs assez diversifiées.

On a aussi travaillé avec des poudres métalliques. Une fois l’objet poncé et lustré, il y a vraiment un effet métallique sur l’objet. L’idée c’était de porter l’attention sur le matériau et de travailler sur l’idée de curiosité. On donne l’impression d’un autre matériau. Une fois que la jesmonite a pris, on met l’objet dans l’eau et les moules fondent au bout d’une journée.

Et ensuite comment se déroule l’étape de l’assemblage ?

La première partie de la production consiste donc à réaliser toutes les pièces séparément. La deuxième partie, c’est l’assemblage avec un travail plus artisanal car on utilise différents types de files pour maintenir les ensembles. Pour la collection Mirabilia, la tradition, on ne la retrouve pas vraiment dans la forme mais plutôt dans l’assemblage. On aime donner l’impression d’un assemblage rudimentaire et surtout de le montrer. On ne cherche pas à cacher comment c’est fait. On s’inspire de la vie de tous les jours, de certains chantiers ou encore des techniques de nœuds de pêche.

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Photographe : Louise Skadhauge

Texte : Thibaut Wauthion