Mariano Angelotti

Artiste - Orléans

Un temps suspendu, celui pendant lequel on regarde avec étonnement un lieu sans intérêt, sans importance et qui pourtant attire l’attention. Cet instant insignifiant et imprévisible jalonne l’ensemble de l’œuvre de Mariano Angelotti qui tente de capter la lumière, les couleurs, les plantes et autres détails constitutifs de ces moments particuliers. À l’instar de leur sujet, ces tableaux captent mystérieusement le regard qui cherche en vain le pourquoi de cette attention soudainement saisie. Les peintures de Mariano Angelotti invitent le regardeur à s’attarder sur la beauté fugace dont est pourtant rempli le quotidien de chacun. L’inattendu, les détails réservent bien de surprises.

Mariano Angelotti porte une grande attention à la composition. Chacun de ses tableaux sont minutieusement construits. Les structures végétales et architecturales dialoguent à travers un subtil jeu de perspective dans lequel le rapport à l’espace est fondamental. L’artiste offre une vision du monde à la marge de l’esthétique paysagère classique en attirant l’attention sur la banalité de notre quotidien qui révèle ici et là sans prévenir une beauté surprenante.

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Dans tes peintures, végétation et ville coexistent, l’un semblant mettre l’autre en valeur et vice-versa. Quelle place tiennent la nature et la ville dans tes préoccupations ? L’un est-il plus important que l’autre ?

Ça fait longtemps que je m’intéresse au paysage, comme espace qu’on habite. Je suis un citadin. Il y a autant de présence de bitume, de signalisation, de lumière artificielle, que de nature dans mes peintures. C’est ma vision du monde. Je peins ce que je vois et ce que je traverse. Je peins aussi des forêts avec des parcours d’accrobranches ou des lacs avec des bouées. Ce sont toujours des lieux exploités par l’homme qui ne peut pas s’empêcher de consommer l’espace naturel pour son loisir. Je cherche d’autres sujets que le cliché esthétique dans lequel on peut facilement tomber, comme un coucher de soleil ou une vue sur la mer. Je peins ces moments éphémères et insignifiants qu’on vit par hasard lorsque l’on voit une belle lumière qui donne de la beauté à un lieu anodin. Il y a une forme d’humilité dans ces sujets.

La figure humaine n’est quasiment jamais présente dans tes peintures ou à peine reconnaissables sous les traits d’une silhouette. Quelle en est la raison ?

C’est quelque chose qui m’a toujours intéressé : l’absence humaine dans ma peinture. Le visage humain amène une forme de psychologie et un rapport à l’histoire qui ne m’intéressent pas. Pour l’instant, je préfère proposer un rapport à l’espace. La présence humaine, c’est le regardeur des œuvres. J’aime aussi représenter une sorte de solitude, que le spectateur de l’œuvre se retrouve seul face au monde, seul face à l’espace du réel. Il y aussi un rapport à la vie éphémère des hommes face à l’idée de pérennité d’un arbre ou d’un bâtiment.

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Découvrez ses oeuvres

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Les sujets que tu peins, existent-ils ? Peins-tu d’après photo, souvenir… ?

C’est une question très importante. Je travaille d’après photographie ayant toujours mon portable dans ma poche qui me permet de capter ces moments éphémères. Mais cette méthode pose tout un tas de question sur l’image. J’essaye de ne pas trop coller à la photographie lorsque je peins. La photo reste un document de travail et non pas un objet auquel on doit être servile. Néanmoins c’est une vraie question dans ma pratique de la peinture. J’aimerais retourner dans un travail d’après nature aussi. La photo a cette capacité de figer un instant, ce qui crée un filtre entre le peintre et la réalité.

Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Il y avait David Hockney quand j’étais jeune. Il y aussi Stanley Spencer, un peintre anglais qui peignait d’après nature des sujets assez classiques mais dans des compositions très innovantes tout en s’inspirant de Giotto ou encore de Fra Angelico. La façon dont c’est peint et dont l’espace est représenté, c’est vraiment une source d’inspiration. Et j’aime aussi les Préraphaélites. Pierro Della Francesca représente aussi une source d’inspiration, notamment dans son rapport à l’espace. J’aime bien une peinture figurative qui crée un rapport spirituel au monde, pas une peinture trop cynique.

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Comment as-tu abordé le projet d’Avenue du Roi ? Que proposes-tu ?

Pour plusieurs tableaux, je me suis aussi intéressé aux grillages. Je travaille par strate avec au début une composition abstraite pour le fond, puis tout un travail de montée vers la forme. Pendant tout ce temps, la figuration arrive progressivement mais très lentement. Il y a tout un moment de fabrication vers la figuration. Le grillage raconte cette histoire. Ensuite, il y a une peinture qui représente une fête foraine avec trois personnes à côté d’un espace vert réalisé en faux gazon. Ce lieu complètement artificiel se trouvait dans un endroit très beau. Il y avait donc cette confrontation entre ce monde artificiel humain et la nature elle-même. J’aimais bien ce contraste. Il y a aussi une série de trois natures mortes, deux de plantes grasses et une de tournesol dans un vase. Ce sont des natures mortes étranges avec une grande place donnée à l’espace autour. C’était le but de jouer un sujet récurrent dans l’histoire de l’art mais d’y développer un intérêt personnel. Il y a aussi un autoportrait avec un jeu sur le net et le flou, ainsi qu’avec des coulures qui renvoient à mon processus de création de mes tableaux. Dans ce cas-ci, elles sont minutieusement posées. Ça parle de la gravité de la couleur qui tombe.

Photographe : Laurie Mélotte

Texte : Thibaut Wauthion