Safia Hijos

Artiste - Nîmes

Évocation d’une nature luxuriante et mystérieuse, les céramiques de Safia Hijos prennent place dans des intérieurs à l’instar de plantes exotiques invasives qui se développeraient loin de toute surveillance humaine. Foisonnantes, elles envahissent un coin de mur ou le rebord d’une cheminée et s’imposent au regard par leur volume important et leurs couleurs chatoyantes.

Leur présence interroge subtilement notre rapport à la nature et son contrôle perdu, tout en suggérant une autre façon d’habiter l’espace. Cette végétation envahissante amène, en effet, à réfléchir sur les frontières établies entre le confort parfaitement maitrisé d’un intérieur et la liberté chaotique de la nature, qu’on ne cesse de vouloir dompter, brider, contraindre. Les céramiques de Safia Hijos sont une ode à la résilience de la nature, un cri d’espoir à son renouvellement face aux innombrables et innommables tentatives humaines de la refouler car malgré tous nos efforts, malgré nos entretiens à répétition, malgré nos dérapages environnementaux, la nature aura toujours le dernier mot.

Safia Hijos développe ces différentes notions à travers chaque aspect de son œuvre, depuis le modelage à son accrochage. Son travail n’existe qu’une fois mis en relation avec son espace d’exposition via un subtile dialogue entre cette céramique végétale et son support. La mise en exposition devient œuvre en soi dans la continuité de sa réalisation proprement dite qui mobilise un processus complexe de modelage, d’émaillage et de cuisson, et d’autant de tentatives et d’amendements qui représentent un vaste champ de recherches.

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Tombant ou grimpant sur le mur, se développant dans des recoins, nombreuses de tes œuvres semblent imiter cette végétation invasive dans des bâtiments. Pourquoi avoir opter pour ce type de sujets et ce mode d’exposition en marge des accrochages classiques ?

Il s’agit d’un jeu avec les céramiques et l’espace qu’elles habitent avec une volonté d’intervenir à des endroits moins habituels, comme des murs, des plafonds et des angles. Mon travail n’existe d’ailleurs que parce que l’espace est autour et le porte. C’est un jeu de va-et-vient entre l’œuvre et l’espace. Le titre de l’installation La forêt qui pousse est emprunté à l’album pour enfant « Max et les maxi-monstres » de Maurice Sendak, où l’apparition incongrue de la forêt comme force irrésistible est un moment clé.

Peux-tu citer quelques-unes de tes références ou sources d’inspiration ?

Je fabrique lentement mon jardin intérieur, mi-végétal, mi-animal, à suspendre aux murs ou à poser sur un rebord. Il s’agit d’ornements et tout se mêle un peu ici : le rococo de la fleurisserie de la Pompadour, les arabesques végétales des Grotesques, les citrons éclatants de Luca Della Robbia, les guirlandes de fleurs et de feuilles ornant les façades des villes, les écailles et les griffes des chimères et même Sonic le hérisson d’un jeu vidéo. La littérature enfantine à travers « Max et les maxi monstres » de Maurice Sendak est aussi présente par l’apparition incongrue de la nature dans l’espace intérieur et cette phrase « Et tout à coup une forêt poussa dans la chambre de Max » résonne dans l’installation.

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Découvrez ses oeuvres

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Quelle technique utilises-tu pour la création de tes œuvres et quelle place tient cette technique dans l’ensemble de l’œuvre ?

Petite et cependant puissante, chaque pièce se modèle et s’émaille longuement, figure d’une nature en croissance continuelle bien qu’imperceptible à l’œil nu, dans une possible illustration de l’oxymore de « la flèche lente » dont parlait Nietzsche. Pour Avenue du Roi, j’ai utilisé des émaux différents que d’habitude de couleurs jaune, vert et bleue et qui donnent un rendu de matières différentes. Cuits à haute température, les émaux donnent un effet lumineux avec une transition douce dans les couleurs. Une base de jaune qui tend ensuite vers le vert en transition et enfin un bleu profond, foncé et piqueté de jaune à la pointe.

Comment as-tu abordé le projet Avenue du roi ? As-tu conçu des pièces spécifiquement pour le lieu ?

J’ai décidé de ne rien créer pour les murs me disant que j’allais laisser la place pour les peintures de Mariano Angelotti. J’ai donc créé l’œuvre La forêt qui pousse qui donne l’impression de coloniser le rebord de cheminée de l’appartement. La pièce se pose et s’assemble sur ce support pour former une œuvre de taille importante et créer une sensation de foisonnement dans la pièce. L’inspiration végétale est toujours présente dans les œuvres présentées à Avenue du Roi mais elles imitent la progression des plantes du sol vers le haut. Réalisées selon le même principe, les autres œuvres viennent se poser dans des coins ou des angles.

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